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lemoliere jean-baptiste poquelin chanson texte intégral sourcing comédies historiques joue en prose et le verset

PASTORALE COMIQUE

NOM DES ACTEURS

IRIS, jeune bergère.
LYCAS, riche pasteur.
FILÈNE, riche pasteur.
CORIDON, jeune berger.
BERGER ENJOUÉ.
UN PÂTRE.


La première scène est entre Lycas, riche pasteur, et Coridon, son confident.
La seconde scène est une cérémonie magique de chantres et danseurs.


LES DEUX MAGICIENS DANSANTS sont: les sieurs La Pierre et Favier.
LES TROIS MAGICIENS ASSISTANTS ET CHANTANTS sont: MM. le Gros, Don et Gaye.


Ils chantent.


Déesse des appas,
Ne nous refuse pas
La grâce qu'implorent nos bouches:
Nous t'en prions par tes rubans,
Par tes boucles de diamants,
Ton rouge, ta poudre, tes mouches,
Ton masque, ta coiffe et tes gants.

Ô toi! qui peux rendre agréables
Les visages les plus mal faits,
Répands, Vénus, de tes attraits
Deux ou trois doses charitables
Sur ce museau tondu tout frais.

Déesse des appas,
Ne nous refuse pas
La grâce qu'implorent nos bouches:
Nous t'en prions par tes rubans,
Par tes boucles de diamants,
Ton rouge, ta poudre, tes mouches,
Ton masque, ta coiffe et tes gants.

Ah! qu'il est beau,
Le jouvenceau!
Ah! qu'il est beau! ah! qu'il est beau!
Qu'il va faire mourir de belles!
Auprès de lui, les plus cruelles
Ne pourront tenir dans leur peau.
Ah! qu'il est beau,
Le jouvenceau!

Ah! qu'il est beau! ah! qu'il est beau!
Ho, ho, ho, ho, ho, ho.
Qu'il est joli,
Gentil, poli!
Qu'il est joli! qu'il est joli!
Est-il des yeux qu'il ne ravisse?
Il passe en beauté feu Narcisse,
Qui fut un blondin accompli.

Qu'il est joli,
Gentil, poli!
Qu'il est joli! qu'il est joli!
Hi, hi, hi, hi, hi, hi.


LES SIX MAGICIENS ASSISTANTS ET DANSANTS sont: les sieurs Chicaneau, Bonard, Noblet le cadet, Arnald, Mayeu et Foignard.


La troisième scène est entre Lycas et Filène, riches pasteurs.

FILÈNE chante
Paissez, chères brebis, les herbettes naissantes;
Ces prés et ces ruisseaux ont de quoi vous charmer;
Mais si vous desirez vivre toujours contentes,
Petites innocentes,
Gardez-vous bien d'aimer.


Lycas, voulant faire des vers, nomme le nom d'Iris, sa maîtresse,
en présence de Filène, son rival; dont Filène en colère chante.

FILÈNE
 Est-ce toi que j'entends, téméraire, est-ce toi
Qui nommes la beauté qui me tient sous sa loi?

LYCAS répond:
 Oui, c'est moi; oui, c'est moi.

FILÈNE
 Oses-tu bien en aucune façon
Proférer ce beau nom?

LYCAS
 Hé! pourquoi non? hé! pourquoi non?

FILÈNE
 Iris charme mon âme;
Et qui pour elle aura
Le moindre brin de flamme,
Il s'en repentira.

LYCAS
 Je me moque de cela,
Je me moque de cela.

FILÈNE
 Je t'étranglerai, mangerai,
Si tu nommes jamais ma belle.
Ce que je dis, je le ferai,
Je t'étranglerai, mangerai:
Il suffit que j'en ai juré.
Quand les dieux prendroient ta querelle
Je t'étranglerai, mangerai,
Si tu nommes jamais ma belle.

LYCAS
 Bagatelle, bagatelle

La quatrième scène est entre Lycas et Iris, jeune bergère dont Lycas est amoureux.
La cinquième scène est entre Lycas et un pâtre, qui apporte un cartel à Lycas de la part de Filène, son rival.
La sixième scène est entre Lycas et Coridon.
La septième scène est entre Lycas et Filène.


FILÈNE, venant pour se battre, chante:
Arrête, malheureux,
Tourne, tourne visage,
Et voyons qui des deux
Obtiendra l'avantage.
Lycas parle, et Filène reprend:
C'est par trop discourir;
Allons, il faut mourir.


La huitième scène est de huit paysans, qui, venant pour séparer Filène et Lycas, prennent querelle et dansent en se battant.

LES HUIT PAYSANS sont: les sieurs Dolivet, Paysan, Desonets, du Pron, la Pierre, Mercier, Pesan et le Roi.

La neuvième scène est entre Coridon, jeune berger, et les huit paysans, qui, par les persuasions de Coridon, se réconcilient, et après s'être réconciliés, dansent.
La dixième scène est entre Filène, Lycas et Coridon.
La onzième scène est entre Iris, bergère, et Coridon, berger.
La douzième scène est entre Iris, bergère, Filène, Lycas et Coridon.


FILÈNE chante
 
N'attendez pas qu'ici je me vante moi-même,
Pour le choix que vous balancez :
Vous avez des yeux, je vous aime,
C'est vous en dire assez.


La treizième scène est entre Filène et Lycas, qui, rebutés par la belle Iris, chantent ensemble leur désespoir.


FILÈNE
  Hélas! peut-on sentir de plus vive douleur?
Nous préférer un servile pasteur!
Ô ciel!

LYCAS
 Ô sort!

FILÈNE
 Quelle rigueur!

LYCAS
 Quel coup!

FILÈNE
 Quoi? tant de pleurs,

LYCAS
 Tant de persévérance,

FILÈNE
 Tant de langueur,

LYCAS
 Tant de souffrance,

FILÈNE
 Tant de voeux,

LYCAS
 Tant de soins,

FILÈNE
 Tant d'ardeur,

LYCAS
 Tant d'amour

FILÈNE
 Avec tant de mépris sont traités en ce jour!
Ha! cruelle,

LYCAS
 Cœur dur,

FILÈNE
 Tigresse,

LYCAS
 Inexorable,

FILÈNE
 Inhumaine,

LYCAS
 Inflexible,

FILÈNE
 Ingrate,

LYCAS
 Impitoyable,

FILÈNE
 Tu veux donc nous faire mourir?
Il te faut contenter.

LYCAS
 Il te faut obéir.

FILÈNE
 Mourons, Lycas.

LYCAS
 Mourons, Filène.

FILÈNE
 Avec ce fer finissons notre peine.

LYCAS
 Pousse!

FILÈNE
 Ferme!

LYCAS
 Courage!

FILÈNE
 Allons, va le premier.

LYCAS
 Non, je veux marcher le dernier.

FILÈNE
 Puisqu'un même malheur aujourd'hui nous assemble,
Allons, partons ensemble.

La quatorzième scène est d'un jeune berger enjoué, qui, venant consoler Filène et Lycas, chante:


Ha! quelle folie
De quitter la vie
Pour une beauté
Dont on est rebuté!
On peut, pour un objet aimable
Dont le cœur nous est favorable,
Vouloir perdre la clarté;
Mais quitter la vie
Pour une beauté
Dont on est rebuté,
Ha! quelle folie!

La quinzième et dernière scène est d'une Égyptienne, suivie d'une douzaine de gens, qui, ne cherchant que la joie, dansent avec elle aux chansons qu'elle chante agréablement. En voici les paroles:


PREMIER AIR.

D'un pauvre cœur
Soulagez le martyre,
D'un pauvre cœur
Soulagez la douleur.
J'ai beau vous dire
Ma vive ardeur,
Je vous vois rire
De ma langueur.
Ah! cruelle, j'expire
Sous tant de rigueur.
D'un pauvre cœur
Soulagez le martyre,
D'un pauvre cœur
Soulagez la douleur.


SECOND AIR

Croyez-moi, hâtons-nous, ma Sylvie,
Usons bien des moments précieux;
Contentons ici notre envie,
De nos ans le feu nous y convie:
Nous ne saurions, vous et moi, faire mieux.

Quand l'hiver a glacé nos guérets,
Le printemps vient reprendre sa place,
Et ramène à nos champs leurs attraits;
Mais, hélas! quand l'âge nous glace,
Nos beaux jours ne reviennent jamais.

Ne cherchons tous les jours qu'à nous plaire,
Soyons-y l'un et l'autre empressés;
Du plaisir faisons notre affaire,
Des chagrins songeons à nous défaire:
Il vient un temps où l'on en prend assez.

Quand l'hiver a glacé nos guérets,
Le printemps vient reprendre sa place,
Et ramène à nos champs leurs attraits;
Mais, hélas! quand l'âge nous glace,
Nos beaux jours ne reviennent jamais.


L'ÉGYPTIENNE QUI DANSE ET CHANTE est: Noblet l'aîné.
LES DOUZE DANSANTS sont:
Quatre jouant de la guitare, M. de Lully, MM. Beauchamp, Chicaneau et Vagnart.
Quatre jouant des castagnettes, Les sieurs Favier, Bonard, Saint-André et Arnald;
Quatre jouant des gnacares, MM. La Marre, Des-Airs second, Du Feu et Pesan.


QUATRIÈME ENTRÉE


En l'honneur d'Euterpe, muse pastorale, quatre bergers et quatre bergères dansent, au chant de plusieurs autres, sur des chansons en forme de dialogue.

I. CHANSON SUR UN AIR DE GAVOTTE

Un berger chante les deux premiers vers,
et le chœur les répète. M. Fernon.

Vous savez l'amour extrême
Que j'ai pris dans vos beaux yeux.

LE BERGER continue:

Hâtez-vous d'aimer de même:
Les moments sont précieux;
Tôt ou tard il faut qu'on aime,
Et le plus tôt c'est le mieux.

Le chœur répète.

UN AUTRE BERGER chante. M. Le Gros.

En douceurs l'Amour abonde,
Tout se rend à ses appas.

Le chœur répète ces derniers vers.

LE BERGER continue:

On ressent ses feux dans l'onde
Et dans les plus froids climats;
Il n'est rien qui n'aime au monde;
Pourquoi n'aimoriez-vous pas?

Le chœur répète


II. CHANSON SUR UN AIR DE MENUET

UN BERGER chante les deux premiers vers,
et le chœur les répète. M. Fernon.

Vivons heureux, aimons-nous, bergère;
Vivons heureux, aimons-nous.

LE BERGER continue:

Dans un endroit solitaire
Fuyons les yeux des jaloux.

LE CHŒUR

Vivons heureux, aimons-nous, bergère;
Vivons heureux, aimons-nous.

LE BERGER

Dansons dessus la fougère:
Jouons aux jeux les plus doux.

LE CHŒUR

Vivons heureux, aimons-nous, bergère;
Vivons heureux, aimons-nous.

UN AUTRE BERGER chante les deux premiers vers,
et le chœur les repète.

Aimons, aimons-nous toujours, Silvie,
Aimons, aimons-nous toujours.

LE BERGER continue:

Sans une si douce envie
À quoi passer nos beaux jours?

LE CHŒUR

Aimons, aimons-nous toujours, Silvie,
Aimons, aimons-nous toujours.

LE BERGER

Les vrais plaisirs de la vie
Sont dans les tendres amours.

LE CHŒUR

Aimons, aimons-nous toujours, Silvie,
Aimons, aimons-nous toujours.

QUATRE BERGERS ET QUATRE BERGÈRES

BERGERS: LE ROI,
le marquis de Villeroi, les sieurs Raynal et La Pierre.

BERGÈRES: MADAME,
Mme de Montespan, Mlle de La Vallière et Mlle de Toussi.

HUIT BERGERS CHANTANTS: MM. Destival, Hédouin, Gingan, Blondel, Magnan, Gaye; Buffeguin et Auger, pages.

HUIT BERGÈRES CHANTANTES: MM. Le Gros, Fernon L'aîné, Fernon le jeune, Rebel, Cottereau, Lange; et Saint-Jean et Luden, pages.


CINQUIÈME ENTRÉE

En faveur de Clio, qui préside à l'Histoire, voulant représenter quelque grande action des siècles passés, on n'a pas cru pouvoir en choisir une plus illustre ni plus propre pour le ballet que la bataille donnée par Alexandre contre Porus, et la générosité que pratiqua ce grand monarque après sa victoire, rendant aux vaincus tout ce que le droit des armes leur avait ôté.
Le combat s'exprime par des démarches et des coups mesurés au son des instruments, et la paix qui le suit est figurée par la danse que les vainqueurs et les vaincus font ensemble.

ALEXANDRE ET PORUS, CINQ GRECS
ET CINQ INDIENS
ALEXANDRE: M. Beauchamp.
CINQ GRECS: M. de Souville, MM. La Marre, du Pron, Des-Airs le cadet et Mayeu. Descousteaux, tambour. Philebert et Jean Hottere, flûtes.
PORUS: M. Cocquet.
CINQ INDIENS: MM. Paysan, Du Feu, Arnald, Jouan et Noblet le cadet; Vagnart, tambour; Piesche et Nicolas Hottere, flûtes.


SIXIÈME ENTRÉE

Pour Calliope, mère des beaux vers, cinq Poètes de différents caractères dansent la sixième entrée.

CINQ POÈTES

POÈTE: M. Dolivet.
POÈTES SÉRIEUX: le sieur Mercier et Brouard.
POÈTES RIDICULES: le sieur Pesan et le Roi.

SEPTIÈME ENTRÉE ET RÉCIT

On fait paraître Orphée (fils de cette Muse Calliope) qui, par les divers sons de sa lyre, exprimant tantôt une douleur languissante et tantôt un dépit violent, inspire les mêmes mouvements à ceux qui le suivent; et, entre autres, une Nymphe, que le hasard a fait rencontrer sur l'un des rochers qu'il attire après lui, est tellement transportée par l'effet de cette harmonie, qu'elle découvre, sans y penser, les secrets de son cœur par cette chanson:

Amour trop indiscret, devoir trop rigoureux, Je ne sais lequel de vous deux Me cause le plus de martyre: Mais que c'est un mal dangereux D'aimer et ne le pouvoir dire!

ORPHÉE: M. de Lulli.
NYMPHE: Mlle Hilaire.
HUIT TRACIENS: MM. Des-Airs l'aîné, Des-Airs Galant, Noblet l'aîné, Favier, Saint-André, Desonets, Bonard et Foignac.


HUITIÈME ENTRÉE

Pour Érato, que l'on invoque particulièrement en amour, on a tiré six amants de nos romans les plus fameux, comme Théagène et Cariclée, Mandane et Cyrus, Polexandre et Alcidiane.


TROIS AMANTS ET TROIS AMANTES

AMANTS: Cyrus, LE ROI
Polexandre, le marquis de Villeroi; Théagène, M. Beauchamp. AMANTES: Mandane, M. Raynal; Alcidiane, le marquis de Mirepoix; Cariclée, le sieur La Pierre.


NEUVIÈME ENTRÉE

Pour Polymnie, de qui le pouvoir s'étend sur l'Éloquence et la Dialectique, trois philosophes grecs et deux orateurs romains sont représentés en ridicule par des comédiens français et italiens, auxquels on a laissé la liberté de composer leurs rôles.


ORATEURS LATINS ET PHILOSOPHES GRECS

ORATEURS LATINS
Cicéron: Arlequin.Hortence: Scaramouche. Sénateur: Valerio.
PHILOSOPHES GRECS
Démocrite: Montfleury. Héraclite: Poisson. Le Cynique: Brécourt.


DIXIÈME ENTRÉE

Pour Terpsichore, à qui l'invention des chants et des danses rustiques est attribuée, on fait danser quatre Faunes et quatre Femmes sauvages, qui, pliant en diverses façons des branches d'arbre, en font mille tours différents; et leur danse est agréablement interrompue par la voix d'un jeune Satyre:

RÉCIT DU SATYRE

Le soin de goûter la vie
Est ici notre emploi:
Chacun y suit son envie
C'est notre unique loi.

L'Amour toujours nous inspire
Ce qu'il a de plus doux:
Ce n'est jamais que pour rire
Qu'on aime parmi nous.

SATYRE: M. Le Gros.
QUATRE FAUNES: M. Dolivet, les sieurs Saint-André, Noblet l'aîné et Des-Airs galant.
QUATRE FEMMES SAUVAGES: les sieurs Bonard, Desonets, Favier et Foignac.


ONZIÈME ENTRÉE

Les neuf Muses et les neuf filles de Piérus dansent à l'envi, tantôt séparément et tantôt ensemble, chacune de ces deux troupes aspirant avec même ardeur à triompher de celle qui lui est opposée.

PIÉRIDES: MADAME;
Mme de Montespan, Mme de Cursol, Mlle de La Vallière, Mlle de Toussi, Mlle de La Mothe, Mlle de Fiennes, Mme de Ludre, Mlle de Brancas.
MUSES: Mmes de Villequier, de Rochefort, de La Vallière, du Plessis, d'Eudicourt; Mlles d'Arquien, de Longueval, de Coëtlogon, de La Mare.


DOUZIÈME ENTRÉE

Trois Nymphes, qu'elles avaient choisies pour juges de leur dispute, viennent pour la terminer par leur jugement.

TROIS NYMPHES JUGES DU COMBAT: LE ROI;
Le marquis de Villeroi, et M. Beauchamp.


TREIZIÈME ET DERNIÈRE ENTRÉE

Mais les Piérides condamnées, ne voulant pas céder et recommençant la contestation avec plus d'aigreur qu'auparavant, forcent Jupiter à punir leur insolence en les changeant en oiseaux.

JUPITER: M. Le Grand.


[Après ce Livret, viennent des Vers sur la personne et le personnage de ceux gui dansent au Ballet.]








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